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Cote : 108 ARC 00
Le docteur E.G. Gobert n'est plus . . . Cette triste nouvelle nous est parvenue le 4 août 1973 et, malgré son grand âge, nous comptions sur sa vigueur physique et morale pour préserver une année encore cet homme qui nous honorait de son amitié et mettait une certaine coquetterie à dire "je suis dans ma 94e année".
Bien connu dans le monde scientifique pour ses travaux médicaux, préhisto riques et ethnographiques, il s'est éteint le 1er août 1973 à Aix-en-Provence, ville qu'il avait choisie en 1958 pour y retrouver le soleil de Tunisie où s'était déroulée toute sa carrière.
Né à Charly (Aisne) le 29 novembre 1879, il fut affecté dès 1907 en qualité de médecin de colonisation à Tozeur, puis à la compagnie Sfax-Gafsa (1908-1911). Chef du service antipaludique de l'Institut Pasteur (1912-1914), il fut alors chargé par interim des fonctions de chef du bureau d'Hygiène de la ville de Tunis (1915-1916) et en même temps assurait à l'Institut Pasteur, à la demande des autorités militaires, des recherches sur les porteurs de germes cholériques dans l'armée serbe. A partir de 1 9 1 7, il retrouve son poste de médecin de colonisation à Mateur (1917-1919) puis à Nabeul (1919) et de nouveau à Mateur (1920). C'est à partir de cette date qu'il devient médecin-chef du dispensaire municipal de Tunis (septembre 1920) puis directeur de l'hygiène et de la santé publique (31/12/1920-15/5/1935).
Parallèlement à cette longue carrière médicale qui lui valut la médaille de vermeil des Epidémies et durant laquelle il consacra bon nombre de ses publicationsà la médecine, plus particulièrement à la prophylaxie du typhus, du paludisme, du trachome, de la bilharzioze, de la peste, etc., le docteur Gobert, qu'il arpentât à pied ou à cheval le bled tunisien, qu'il visitât ses malades ou qu'il parcourût les souks tunisiens, savait noter, enregistrer, tout ce qui avait trait aux coutumes, aux moeurs, aux moindres détails de la vie quotidienne des hommes et des femmes qu'il côtoyait. C'est de ce contact permanent, servi par un esprit observateur et une fine intelligence qu'il devait acquérir cette grande expérience du monde rural mais aussi, citadin, cette grande expérience humaine. Sachant, dans un style alerte et élégant, décrire aussi bien les techniques de la poterie modelée du paysan tunisien que les usages et rites alimentaires des Tunisiens auxquels il consacra plusieurs études dont la plus importante concerne les références historiques des nourritures tunisiennes, il réussit, lorsqu'on relit les pages savoureuses de son étude sur les parfums, à évoquer avec quelle présence l'atmosphère du Souk el Attarine, ou nous invite à partager le charme d'un moment passé autour d'une tasse de thé dans un intérieur tunisien. A maintes reprises, il a analysé ce qu'il nommait un jour, dans une lettre qu'il m'adressait "la théorie du Kif" : "ces pulsions internes à demi-conscientes ou inconscientes et qu'il faut satisfaire pour le contentement de l'âme" et qui rejoignent toutes les précautions magiques et prophylactiques que nous retrouvons dans sa publication sur "les Magies originelles". Sa qualité même de médecin lui a permis d'aborder et d'approfondir mieux que quiconque ces problèmes et plus particulièrement ceux qui concernent les tatouages, la cuisine, l'alimentation, la géophagie, les fumeurs de chanvre, etc.
N'ayant jamais dissocié Ethnographie et Préhistoire, très tôt, il consacra une partie de ses activités à la recherche préhistorique. L'abondante bibliographie ayant trait à celle-ci montre la place qu'il s'est faite dans les progrès de nos connaissances des civilisations préhistoriques de la Tunisie.
Si ses travaux concernant l'Acheuléen de Sidi Zin ou le quaternaire de Monastir font date dans l'étude des temps reculés de la Préhistoire tunisienne, c'est surtout aux périodes épipaleolithiques et néolithiques qu'il consacra l'essentiel de ses recherches. La publication du gisement d'El-Mekta demeure un document essentiel auquel se réfèrent tous les Préhistoriens qui travaillent sur le Capsien. Certes, les décomptes ne sont pas conformes à ceux d'une liste typologique qui n'existait pas encore, mais tout ce qui concerne l'art mobilier, les parures de coquillages tels les Nassa gibbosula auxquelles le docteur Gobert attribue une signification symbolique analogue à celle des cauris, la magie de la couleur rouge, symbole du sang, présente un intérêt incomparable. Car le docteur Gobert sait toujours élever les problèmes à leurs dimensions humaines. Lorsqu'il reconstitue la technique de fabrication des rondelles d'enfilage en test d'oeuf d'autruche, il sait choisir et utiliser tous les renseignements ethnographiques de la vie des Bushmen, les rapprocher des témoins matériels recueillis dans les gisements préhistoriques : boules perforées utilisées comme volants de forets â mouvement de pompe destinés à perforer le test d'oeuf d'autruche, pierres à rainures servant â calibrer les rondelles destinées certes à la parure mais aussi à servir de monnaies d'échange. Ainsi parvient-il toujours à nous faire découvrir l'homme derrière les témoins concrets et dépouillés que sont les vestiges matériels livrés par la fouille d'un gisement préhistorique.
Le docteur E.G. Gobert, après avoir reconnu la stratigraphie du site de Sidi Mansour à Gafsa, établissait l'antériorité de l'industrie à lamelles de l'horizon Collignon sur le Capsien. Contrairement à l'opinion de R. Vaufrey, il estima très tôt que l'Ibéromaurusien était un ensemble d'industries distinctes du Capsien. Nous savons aujourd'hui que non seulement ces deux ensembles étaient distincts mais que l'Ibéromaurusien était largement antérieur au Capsien. Il serait vain d'énumérer les nombreux articles ou monographies qu'il consacra aux gisements tunisiens et que le lecteur retrouvera dans la bibliographie publiée ci-après.
Mais il m'est agréable d'insister sur les qualités exceptionnelles de cet "honnête homme" dont la culture était immense et qui savait recevoir ses hôtes avec une extrême courtoisie, heureux de toute visite, surtout durant les toutes dernières années de sa vie, époque à laquelle son grand âge lui interdisait désormais les sorties quotidiennes qu'il affectionnait tant, soit au Parc Jourdan, soit au Muséum d'Histoire Naturelle, soit à l'Académie de la ville d'Aix dont il était un membre très actif. Il éprouvait une joie réelle à reparler de Préhistoire, à évoquer ses souvenirs et, ce n'est pas sans émotion que je rappellerai cet après-midi, où très souffrant, il me contait comment il avait inspiré le roman de Duhamel "Le prince Jaffar". A mesure que renaissaient ses souvenirs, son verbe devenait plus ferme, son esprit s'animait et la joie de cet échange intellectuel était alors pour lui, médecin, la meilleure des médecines.
Tous les préhistoriens de l'Afrique du Nord et particulièrement les jeunes préhistoriens tunisiens qui avaient tenu à lui rendre visite à l'occasion de la réunion à Aix en juin 1971 d'un Colloque sur l'Epipaléolithique, savent bien qu'avec le docteur Gobert disparait une prestigieuse figure de la Préhistoire et de l'Ethnographie tunisiennes.Camps-Fabrer Henriette, Souville Georges. Le Docteur E.G. Gobert ( 29 novembre 1879- 1er août 1973). In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°17, 1974. pp. 7-17.
Papiers personnels d'Ernest-Gustave Gobert
108 ARC 01
Correspondances d'Ernest-Gustave Gobert
1904 - 1948
Publications d'Ernest-Gustave Gobert
108 ARC 02
Le pudendum magique et le problème des Cauris
1920 - 1952
108 ARC 03
Les magies originelles
[n.d.]
108 ARC 04
Sur un rite capsien du rouge
1950
108 ARC 05
Un nouveau foyer de Bilharziose en Tunisie
[n.d]
108 ARC 12
Le Kohl
1923
Travaux de recherches d'Ernest-Gustave Gobert
108 ARC 06
Missions archéologiques en Tunisie
1945 - 1947
108 ARC 07
Étude sur les rongeurs tunisiens
1923 - 1930
108 ARC 08
Dossier sur le Haschich
[n.d.]
108 ARC 09
Dossier sur le Bassin des Aglabites
1885
108 ARC 10
Dossier sur les parfums et essences aromatiques de Tunisie
1931 - 1961
108 ARC 11
Dossier sur le village de Takrouna
1923 - 1947
Divers
108 ARC 13
Dossier sur la Société des Amis du Bardo
1935
108 ARC 14
Coupures de presse diverses
1930 - 1952
Le docteur E.G. Gobert n'est plus . . . Cette triste nouvelle nous est parvenue le 4 août 1973 et, malgré son grand âge, nous comptions sur sa vigueur physique et morale pour préserver une année encore cet homme qui nous honorait de son amitié et mettait une certaine coquetterie à dire "je suis dans ma 94e année".
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