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Auteur

H 0 Montherlant, Henry de

Lorsque Henry de Montherlant, revenu à Paris après un séjour de deux ans en Afrique du Nord, décida de ne pas publier La Rose de sable qu'il venait d'écrire (1932), il hésita entre deux sujets de roman à traiter : celui des Célibataires et celui d'Un Assassin est mon maître. Il choisit de traiter le premier, et c'est près de quarante ans plus tard qu'il traite le second, qui n'est pas sans analogies avec celui des Célibataires. Dans l'un et l'autre on trouve quelques-uns des mêmes thèmes, et l'on voit qu'ils ont été conçus dans le même moment, et dans la même disposition. Ce sont des livres jumeaux.
Montherlant a tracé plusieurs études de folles, de demi-folles et de demi-fous : Andrée Hacquebaut et Thérèse Pantevin, des Jeunes filles, Mlle Andriot de Celles qu'on prend dans ses bras, la reine Jeanne la Folle du Cardinal d'Espagne, Celestino du Chaos et la nuit; Malatesta et Don Juan touchent eux aussi quelquefois au bord de la folie. Demain il publiera Les Convulsionnaires, d'après le journal d'un conventicule de convulsionnaires du XVIIIe siècle, manuscrit d'époque reçu de sa famille. Aujourd'hui il dresse le tableau clinique d'un homme que la lecture d'ouvrages de psychiatrie mal digérés, qui lui ont révélé son mal sans l'en guérir, et sa complaisance, tantôt désintéressée tantôt intéressée, à cette pente de sa nature ont conduit à une névrose supposée au début, très véritable ensuite.
L'action se passe dans le milieu de la haute administration française en Algérie. M. Exupère, homme fort distingué, croit être la proie de son chef de service, M. Saint-Justin, comme lui ancien élève de l'École des Chartes, pour qui il a s
une vénération quasi filiale, mais qu'il exaspère par sa maladie. Voici M. Exupère coincé, et selon lui du seul fait de son chef, dans un état sans issue, où sa névrose - aboulie, hantise de la persécution, angoisses, simulation, érotomanie vraie ou fausse, satanisme vrai ou faux, - augmentée par un climat qu' il s'imagine lui être funeste, et sans parler du manque d'appuis et du manque d'argent, a finalement raison de ses facultés d'intelligence, de culture, et de coeur, qui étaient réelles. Peut-être pourrait-on dire qu'Exupère est un mélange de M. de Coantré (Les Célibataires) et de Jeanne la Folle.
Et des personnages épisodiques : Colle d'Épate, le grand Saharien, imposteur, maquereau, faucheur, au demeurant bon type; Livorno, « qui eût mené à bien toute tâche infâme qui lui eût été confiée »; Mme Crabalona, la proxénète que l'amour dégoûte; Stella, la petite Juive oranaise; Sanchita, qui ne sait dire que « bonjour » et « bonsoir » mais fait le reste parfaitement; Sophie enfin, la chère Sophie-d'entre-les-tonneaux, dont il est très difficile de parler avec décence...
On pensera peut-être que ce sujet, et la date où il est situé, sont « inactuels ». Mais la pénurie d'argent sera toujours « actuelle », et les maladies nerveuses le seront toujours de plus en plus.
Ayant voulu obtenir un renseignement médical touchant la demi-folie de son personnage, Montherlant s'adressa tout naturellement au professeur Jean Delay, son confrère à l'Académie. Celui-ci lui demanda communication de son manuscrit. Après sa lecture, il parut assez intéressé par le roman pour que l'auteur lui demandât s'il ne consentirait pas à le préfacer. C'est ainsi qu'Un Assassin est mon maître est le premier ouvrage d'Henry de Montherlant à paraître avec une préface.

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