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Après Indochine, dix ans d'indépendance, Georges Chaffard nous donne, avec ces Carnets secrets de la décolonisation son second ouvrage consacré à l'évolution des pays de l'ancienne Union française. Plutôt qu'une étude historique exhaustive - et prématurée - l'auteur a choisi de présenter une série d'épisodes qui lui ont paru particulièrement significatifs.
Sur le commencement et la fin de la guerre d'Indochine, il apporte des documents officiels, auxquels on s'est parfois référé dans des études antérieures, mais sans jamais les citer intégralement. Sur les débuts de la décolonisation africaine, il montre, en prenant pour exemple les déboires de certains gouverneurs en avance sur Ia politique parisienne, les incompréhensions de la métropole, et les conflits qui faillirent en résulter là où se trouvaient des hauts fonctionnaires à la poigne trop musclée. Certains épisodes ont une portée dépassant le cadre colonial dans lequel ils se situent : ainsi de l'alliance militaire franco-espagnole nouée semi-clandestinement sous la IVe République pour s'opposer aux revendications marocaines sur le Sahara. Les passages consacrés au grand leader africain Houphouët-Boigny rappellent le temps où, non encore consacré « ami de la France », il n'était pour beaucoup, qu'un « rebelle communiste »... les circonstances dans lesquelles les débuts de l'empire de Dupleix - nos Comptoirs de l'Inde - durent être cédés à Nehru illustrent les méfaits de l'instabilité ministérielle de naguère.
L'auteur a délibérément laissé de côté des épisodes déjà bien connus sur lesquels il n'était pas en mesure d'apporter des documents nouveaux : ainsi de différentes affaires de « piastres », de « généraux » et de « complots ». II se réserve d'y revenir ultérieurement.
La lecture de ces Carnets fait apparaître qu'à l'arrière-plan de nos difficultés -0utre-Mer entre 1945 et 1958, on retrouve constamment des conflits entre chefs militaires, la crainte du communisme, et l'ignorance d'une partie de l'opinion parlementaire. Enfin, on découvrira que pendant les angoissantes semaines de mai 1958, ont bien failli s'ouvrir en Afrique des conflits graves, à l'image de ceux qu'on redoutait dans la mère-patrie. La période étudiée dans ces Carnets s'achève sur le retour de de Gaulle au pouvoir. La seconde phase de la décolonisation reste à écrire. Elle n'est pas moins mouvementée et fertile en intrigues. L'auteur espère qu'elle fera l'objet d'un second tome.
Georges Chaffard, âgé de trente-six ans a débuté dans le métier militaire, au Maroc et en Indochine. II a bifurqué très tôt vers le journalisme, accompli de nombreux voyages en Afrique et en Asie, et a obtenu en 1957 le Prix Pierre Mille du meilleur reportage Outre-Mer. II collabore actuellement au Monde, au Monde diplomatique et à l'Express.
II a publié l'année dernière, chez le même éditeur, Indochine, dix ans d'indépendance.